La spécificité du motet, genre polyphonique représentatif du XIIIe siècle français, réside dans le principe de polytextualité sur lequel il se fonde : plusieurs textes y sont énoncés simultanément par les différentes voix. Le motet féminin intègre dans cette problématique la question du genre, en donnant la parole à des voix féminines seules, ou en interaction avec des voix masculines. Dans ce contexte, comment fonctionne la subjectivité du texte, et comment peut-elle être réinvestie par la voix de l’interprète ?
En prolongement des travaux de Sylvia Huot et Mark Everist, nous interrogeons la polyphonie médiévale, sous la forme d’un corpus de motets féminins anonymes, non avec les outils de la musicologie, mais plutôt par à travers des notions de linguistique et d’anthropologie théâtrale, afin de définir un corps énonçant pour le motet féminin. La théorie d’Emile Benveniste, qui définit la subjectivité comme « la capacité du locuteur à se poser comme sujet », apparaît comme un moyen de questionner les notions d’énonciation et de focalisation dans le cadre de ce type de discours fictif, à plusieurs voix. Cette analyse, qui revient à proposer une interprétation prenant en compte l’intertextualité, permet d’établir une typologie de la locution dans le motet féminin, propre à mettre en évidence une conception médiévale des notions de personnage, de subjectivité et de théâtralité dans le motet. Les définir amène à poser la question de l’interprétation du motet dans la société médiévale, qui l’a façonné, et dans la nôtre, qui réinvesti cette forme à travers la pratique du concert.
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